District N° 5

L’Écart… lieu d’art actuel, Rouyn-Noranda, 2016

Vue de l’exposition, District N° 5, à L’Écart… lieu d’art actuel, Rouyn-Noranda, 2016

Ce projet a pris naissance au moment ou j’ai été de retour chez moi après une absence pour des études à l’extérieur, je me suis alors rendue compte que mon propre quartier ne m’était pas si familier ; je ne voyais que l’extérieur, je ne connaissais pas mes propres voisins et je ne leur adressais ni la parole. On se croise sans se voir, on regarde autour de nous en surface, en se surprenant parfois à imaginer ce qui se trouve derrière les murs des habitations qui nous entourent, ce dont nous n’avons jamais accès.

Suite à des visites improvisées chez les gens de mon quartier, j’ai recueilli des photos des intérieurs privés, la capture d’images étant un prétexte pour aller à la rencontre de ma communauté ; explorer ce qui tout à coup m’avait apparu un territoire inconnu et franchir ce mur physique mais aussi celui symbolique que représente cette distance entre soi et l’autre. Dans une tension entre la curiosité et la méfiance, j’ai parfois fait l’expérience du seuil de la porte devenant le seuil de confiance, passant soudainement de statut d’étranger à un ami à qui on pouvait se confier. Cette intervention a eu un impact réel dans ma vie de tous les jours ; les gens qui m’ont accueillie sont maintenant des gens que je peux saluer dans la rue.

J’ai documenté par écrit les réactions des gens sous forme de dialogues, histoires et anecdotes, face à cette requête inhabituelle. Ces documents, ainsi que des photos de l’intervention se retrouvent dans l’installation, insérés dans des tiroirs cachés, que nous devons manipuler pour découvrir et qui, pour certains d’entre eux, forment un mur lorsqu’on les ouvre. Les photographies de leurs quotidiens m’ont servi de matériel pour un travail minutieux à l’aquarelle. Peindre ces univers banals leurs donnent une nouvelle vie, un nouveau regard sur ce qu’on ne voit pas, ou sur ce que l’on voit trop souvent. Ces peintures offrent une vision intimiste et non-représentative d’un quartier. Elles présentent différentes relations avec le présent, des façons de vivre hétéroclites, bien qu’elles proviennent du même endroit, à la même époque. Puis, l’on s’attache à ces intérieurs dont on ne connaît rien, on se rend compte qu’ils ne diffèrent pas tellement du nôtre et reflètent des habitudes de vie communes. Mais même ces scènes qui ont été prises à l’intérieur ne nous dévoilent pas plus que l’extérieur et conservent ses secrets, bien qu’on puisse clairement identifier les sujets. On se méprend encore à s’inventer des récits fictifs sur la vie et le statut de ceux qui y vivent, avec les indices qui nous sont donnés et les stéréotypes auxquels ils sont rattachés. Il se dégage une poésie de leur silence et leur absurdité.

Le titre, District N° 5, réfère au quartier dans lequel dans lequel j’ai fait cette expérience, seulement, ce n’est pas la façon commune de le nommer et il nous est presque méconnaissable de cette manière. Tout comme ces points de vue qui ne divulguent pas d’où ils proviennent. De l’intérieur, l’écart culturel ou visuel entre des lieux différents se fait moins sentir. Puis, ce titre souligne un territoire, une frontière, la délimitation d’une zone ; tout comme la maison est une séparation entre un espace privé et public, entre chez moi et chez eux.